Les Femmes en Ultra-distance

@Elsa donnant ses encouragements sur la ligne de départ de la Race Across France 1000km - photo @Jennifernguyen

Interview croisée — Lina & Elsa : “Ultra-distance : les femmes déchirent (et on a des preuves)”

Ultra cycling et femmes : pourquoi l’ultra-distance n’est plus (du tout) un sport d’hommes

Pendant longtemps, l’ultra cycling a été présenté comme une discipline extrême, réservée à une poignée d’hommes capables d’encaisser la douleur, la fatigue et les kilomètres sans fin. Et les femmes dans tout ça ? Trop souvent invisibilisées, sous-représentées, ou cantonnées à des clichés dépassés : manque de force, de technique, de mental.
La réalité est tout autre.

Aujourd’hui, le cyclisme ultra-distance au féminin connaît une véritable accélération. Les femmes sont de plus en plus nombreuses sur les lignes de départ, sur toutes les distances, et surtout… sur les podiums. Victoires au scratch, taux de réussite élevés, stratégies de course redoutables : les faits sont là, et ils parlent d’eux-mêmes.

Dans cet article, on donne la parole à Lina (@linette_healthylife) et Elsa (@healmyplanet), deux athlètes engagées, visibles et sans filtre. À travers cette interview croisée, elles déconstruisent les idées reçues sur l’ultra-distance, racontent leur parcours, parlent sexisme, mécanique, inclusion, solidarité féminine… et expliquent concrètement ce qui permet de rendre une course d’ultra-cyclisme plus accueillante pour les femmes.

👉 Ultra cycling et femmes : non, ce n’est pas “trop dur”. C’est juste en train de changer.
Et preuves à l’appui, ce changement est déjà en marche.

On donne la parole aux participantes, sans filtre. 

Lina @linette_healthylife & Elsa @healmyplanet

Q1 — On entend souvent dire que l’ultra-distance est “trop dur” pour les femmes. Qu’est-ce que vous répondez ?

Elsa :
Qu’il suffit de regarder les résultats. Pauline gagne la
Race Across Spain 300 km, Estelle fait 3ᵉ au Scratch sur le 1000 km de la RAF… Et en 2025, on voit un nombre record de femmes s’aligner sur des distances énormes. C’est la preuve que non seulement les femmes ont leur place, mais qu’elles excellent.

@Esla sur son vélo lors de l’ascension du col de la Bonnette sur la RAF 1000km en 2025 - photo: @jennifernguyen

Lina :
L’ultra, ce n’est pas juste avoir de gros quadriceps. C’est la gestion de la douleur, la patience, la stratégie, la régularité. Et ça, beaucoup de femmes sont redoutables. Le taux de réussite féminin est même souvent plus élevé. Quand une femme s’inscrit, c’est qu’elle est prête. Très prête.

Q2 — Comment êtes-vous arrivées dans l’ultra-distance ?

Elsa :
Je regardais le Tour de France depuis les Pyrénées quand j’étais enfant… et je n’y voyais que des hommes. Le Tour de France femmes est réapparu en 2022, donc longtemps, je n’ai pas imaginé que c’était possible.
Puis j’ai traversé les États-Unis à vélo en solo. Un jour, quelqu’un me dit : “Tu devrais essayer la compétition.”
Je teste les critériums… pas pour moi.
Puis je gagne un giveaway avec Wilma (lien 
https://www.instagram.com/wilma.cc?igsh=ODZ6MG44dzBkbjBo ). Et là, tout bascule : j’entre dans l’ultra. Et franchement, ça a changé ma vie.

Lina :
Moi, je viens du triathlon. Et j’ai longtemps eu l’impression que pour être légitime, il fallait un corps particulier, très “sèche-musclée”. Faux.
Et puis il y a eu la mécanique : on me répétait que “ce n’était pas pour les femmes”. J’ai appris seule. Une vidéo atteint 3 millions de vues… Elsa commente “J’ai la flemme de laver mon vélo”. Je lui réponds “Viens, je te le fais”. Elle débarque. On ne s’est plus quittées.

Q3 — Quels sont les vrais leviers pour rendre une course plus accueillante pour les femmes ?

Lina :
Un podium égalitaire. Même visibilité, même reconnaissance. À la Race Across Series, c’est déjà le cas et ça change tout.

Elsa :
Un objectif clair sur la participation féminine. Dire “18 %, c’est déjà bien”, ce n’est pas suffisant. La Transcontinentale a visé 100 femmes et l’a assumé publiquement. Nous, on croit à la loterie équilibrée 50/50. C’est cohérent. C’est simple.

Lina :
Ensuite, il faut de la visibilité. Montrer des femmes. Les mettre au premier plan. À la Race Across Québec, ils ont célébré six femmes sur le podium car deux étaient ex æquo. C’est symboliquement très fort.

Elsa :
Et puis des choses concrètes :
– Produits menstruels sur les bases de vie
– Espaces safe
– Options pour parents-sportifs (garde d’enfants, flexibilité)
On ne peut pas demander plus de participation féminine sans adapter l’environnement.

400 femmes inscrites l’an dernier sur les différentes courses de la Race Across Series - photo: @edouard Hanotte.

Q4 — Parlons tabous, mécanique et clichés : vous en voyez encore ?

Elsa :
Oui. En 2025, on reçoit encore des commentaires du style “Retournez dans la cuisine”. Ça existe vraiment.
Mais ce qui compte, c’est qu’on montre l’exemple : on sait réparer, régler, bricoler surtout dans le feu de l’action en pleine course.

Lina :
Ce n’est pas une histoire de “force” ou de “compétence”. C’est une question de représentation. Si on ne voit jamais de femmes réparer, on ne peut pas s’imaginer le faire. Quand j’ai posté mes vidéos mécaniques, énormément de femmes m’ont dit : “Tu m’as débloquée.”

Q5 — Avez-vous été confrontées à du sexisme en course ou à l’entraînement ?

Lina :
Bien sûr.
En pleine prépa Ironman :
“Si tu as peur, change de sport.”
Ou :
“S’entraîner avec des femmes, c’est perdre une séance.” Le tout venant de cyclistes qui n’ont jamais couru. Aux 24h de Longchamp, on nous hurle dessus à 3h du matin alors qu’on porte un dossard. Le podium met en avant trois hommes… alors que deux femmes ont roulé toute la nuit. C’est ce genre de détails qu’il faut changer.

Elsa :
Sur certaines épreuves, la reconnaissance et la médiatisation ne sont clairement pas au même niveau. On a vu récemment un article qui mettait en avant la victoire de notre champion de l’ultra, Victor, sur une course ultra en Espagne l’été dernier — mais pas un mot sur les trois cyclistes françaises (toutes originaires du Nord !) qui ont pourtant réalisé une performance incroyable sur la même épreuve. Aucune mention, aucun encart.
Il y a encore du travail.

Q6 — Et pourtant, on voit une solidarité féminine de plus en plus forte.

Elsa :
Complètement. Les groupes Strava et Instagram 100 % féminins explosent.
C’est un espace où on peut être vulnérable, ambitieuse, forte, s’entraîner … sans jugement.

Lina :
Et c’est ce qui fait avancer les choses : voir des femmes visibles, déterminées, qui se soutiennent. C’est là que tout démarre.
On en est la preuve : un simple commentaire, et on est devenues ambassadrices ensemble.

@elsa, au sommet de la Bonnette sur la RAF 1000km - photo: @jennifernguyen

Q7 — Quel message souhaitez-vous transmettre à celles qui hésitent encore ?

Lina :
Qu’il n’y a pas de “bonne morphologie” pour l’ultra.
Il y a du travail, du mental et un cœur qui veut avancer.

Elsa :
Que l’ultra-distance est un terrain de jeu magnifique. Et qu’il appartient aux femmes autant qu’aux hommes. 

Q8 — Vous organisez une rencontre en décembre. De quoi va-t-on parler ?

Elsa :
Le 16 décembre, à Panache Cycle (Paris), à 18h00.
Diffusé aussi sur YouTube.

Lina :
On parlera ultra-distance au féminin, mécanique, violences ordinaires, progression, victoires, galères… Et surtout, comment faire évoluer concrètement le cyclisme féminin.

Elsa :
Il y aura même une coupe menstruelle à gagner de la marque All matters (
https://www.instagram.com/allmatters?igsh=N3Z4M3lsanFsMXlk).
Parce que c’est aussi ça, penser inclusif.

Le mot de la fin

Lina :
L’ultra-distance, ce n’est pas un monde réservé. C’est un monde qui s’ouvre.

Elsa :
Et le futur du cyclisme est déjà en train de se féminiser. On le voit. On le vit.
Et on est là pour accélérer ce mouvement.

Sur la Race Across Series, 400 femmes se sont inscrites l’an dernier, c’est +48% par rapport à l’année précédente.
Nous avons mis en place un safe space sur DISCORD avec une channel 100% féminine: https://discord.gg/VsEH9bw9vD

Suivant
Suivant

GRAAALPS 2025 : Retour sur l’épopée d’Alain Rumpf